Le développement fulgurant des biotechnologies et les modifications en cours des équilibres écosystémiques conduisent à porter au premier plan le souci pour la vie et pour la nature. Ces inquiétudes font naître le besoin d'une éthique dont la vie serait l'objet spécifique. Cependant, et dans le même moment, une inquiétude contraire se fait sentir. La prépondérance du thème de la vie n'exprime-t-elle pas un recul de notre modèle de civilisation ? Nous avons construit notre monde, et même le monde, en refusant de rabaisser l'homme au niveau de l'espèce et en faisant de l'humanité un idéal irréductible à tout donné biologique. En appeler à une éthique de la vie, n'est-ce pas régresser en deçà des conditions qui ont permis de construire un monde véritablement humain ? En proposant une éthique de la responsabilité envers la vie et les générations futures, le grand philosophe allemand Hans Jonas laisse entendre qu'il faut que l'ancien monde meure pour qu'un nouveau puisse naître. D'ailleurs, si la nouvelle éthique porte sur la vie, elle n'en néglige pas pour autant l'homme, puisqu'elle contribue à redéfinir l'humanisme sur des bases plus assurées.
La vie n'est peut-être pas en effet seulement cette « chose » fragile à préserver mais également ce qui permet de fonder l'éthique de l'avenir. C'est en tout état de cause de telles propositions que ce livre formule sur un mode critique, livre qui se veut également un hommage à la mémoire de Hans Jonas, mort il y a vingt ans.