Bien plus qu'un simple outil de communication, la langue, autrement dit la manière de parler ou d'écrire, façonne et engendre la manière de penser et donc le discours ; ce dernier, dans de nombreux domaines et notamment le droit, comporte un élément performatif. En effet, tout acte juridique est en même temps un acte de langage, qui réalise l'effet qu'il poursuit par cela seul qu'il l'énonce. En d'autres termes, parler c'est agir, « dire c'est faire ». Le droit offre une très bonne illustration de cette étroite solidarité du langage et du contenu qu'il véhicule car, avant de se décider, il se pense et il s'exprime à travers un ensemble de représentations collectives propres au génie de chaque nation. Surgissent alors deux difficultés, celle de l'interprétation intra-langue de tout énoncé juridique, travail qui relève du juriste, et celle de la traduction inter-langues, qui est du domaine du traducteur. Assimiler et transmettre le sens, mais aussi produire l'effet recherché, tels sont les objectifs partagés par les deux professions. Pour y parvenir, il ne suffit pas de (re)trouver des mots, il faut comprendre et, éventuellement, restituer des concepts et des catégories qui organisent le monde, une méthode de raisonnement, une manière d'argumenter. L'activité du juriste et celle du traducteur se rejoignent dans une démarche commune, qui comporte nécessairement une part de création de sens. De là à dire que juristes et traducteurs exercent le même métier…
Ouvrage collectif sous la direction de Rosalind Greenstein, à la suite d'un colloque organisé à Paris en 2004 dans le cadre des activités du GERAS (Groupe d'étude et de recherche en anglais de spécialité), de l'Université Victor Segalen-Bordeaux 2, avec la collaboration du CERLAC (Centre de recherche en langues de spécialité et cultures) de l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne.