On aurait tort de croire que les années 1950 représentent un ventre mou de la pensée française, une décennie sans éclat coincée entre la vogue existentialiste et la montée en puissance du paradigme structuraliste. Car, si la période manque de visibilité, ce n'est pas dû à la valeur réelle de ce qui s'est produit en philosophie. Il s’agit d’un problème de focale : les années 1950 souffrent des perspectives qui sont les nôtres, et des angles morts que recèlent ces perspectives. Les penseurs de l’époque ne se sont en effet pas contentés de prolonger leurs prédécesseurs et ils ne sont pas davantage les simples précurseurs des philosophes à venir. Si leurs positions ne se ramènent pas à la simplicité d’une catégorie englobante, c’est qu’elles tissent un ensemble complexe de thèses diverses et originales.
Les auteurs réunis dans cet ouvrage ont eu à cœur d’évoquer quelques-unes des conceptions singulières apparues dans les années 1950. Ils ont pris en considération des constructions achevées aussi bien que des efforts avortés, des phénomènes de transferts comme des filiations inattendues, des controverses disciplinaires autant qu’interdisciplinaires, que ces ouvertures aient ultérieurement donné des fruits théoriques ou qu’elles n’aient débouché sur rien, tout en méritant d’être reprises aujourd’hui.