Prêter attention à toutes ces petites choses, ces « choses banales » et moins banales, qui composent notre univers ordinaire, et que l'on finit par ne plus voir tant elles se fondent dans le décor devenu lui-même anodin, prêter attention à ces objets qui entrent dans les collections de musée qui ont parfois perdu leur sens originel, sont au cœur des préoccupations de ce numéro de la revue Socio-anthropologie consacré au « retournement des choses ». Le « retournement » suppose un « changement radical », un « revirement », une « conversion », un « retour ». Aussi, sortant des chantiers battus consacrés à la « biographie », la « carrière » ou à la « vie sociale » des choses (des objets), la réflexion pluridisciplinaire proposée ici se centre sur leur passage d'un état à l'autre, d'un statut à l'autre, d'un lieu à l'autre, d'une vie à l'autre, à travers l’analyse de cas historiques et contemporains. Étudier ce processus consiste à étudier précisément le moment de l’arbitrage, les circonstances de la transformation matérielle et donc physique des choses, et/ou les modalités de leur requalification et de leur réappropriation.
La nature des choses se voit ainsi bousculée, leur frontière oscillée entre concret et abstrait, vivant et mort, imaginaire et réalité, profane et sacré, ordinaire et extraordinaire, etc. Ce numéro prend au sérieux les manières dont nous jouons, au propre et au figuré, avec ces choses. Il entend comprendre comment se fabrique un nouveau sens (la narration) et un nouvel usage (l’action).