Ce que nous appelons ici « dessin hors papier » correspond à toutes les pratiques graphiques contemporaines qui suspendent l'usage du papier comme support d'un dessin. Ces pratiques ne sont certes pas nouvelles, mais suscitent de nos jours un incontestable regain d'intérêt. Ainsi, tout ou presque peut servir de subjectile aux desseins des artistes : le bleu du ciel, le café noir dans sa tasse, la peau des hommes et des animaux, un parking de supermarché, un rouleau de film super-huit, les écrans au format variable de nos nombreux appareils, le bouillon de culture d'un biologiste… Mais toutes ces excursions hors papier ne sont pas simple extension du domaine de la plume et du crayon, elles sont grosses de significations multiples qu'il convient d'analyser. C'est ce que propose cet ouvrage en réunissant les textes d'artistes, de chercheurs et de critiques, pour lesquels le dessin questionne son mode d'inscription dans le réel : c'est le cas de Convert ou d'Oppenheim, de Picasso, de Delvoye, ou encore de Barney, Achour, Moninot et de tant d'autres. Mais s'émanciper du papier n'est souvent qu'un moment de rupture dans la création d'une oeuvre qui n'interdit nullement le carnet de croquis, le tirage d'une photo ou la confection d'un livre d'artiste. C'est donc moins l'abandon (d'ailleurs illusoire) du papier qui intéresse ici les auteurs, que la pertinence poïétique d'un phénomène saillant de la création actuelle.