L'univers des pratiques sonores est aujourd’hui au cœur de l’un des plus vifs renouvellements des sciences sociales. Il s’agit ici de se concentrer sur les bruits de l’intimité. Que sait-on, par exemple, des usages du silence dans les pratiques familières de la maisonnée ou dans les modalités du recueillement, du « parler bas » dans les rapports sociaux de travail, du chuchotement qui organise l’entre-soi du ragot ou de la médisance, ou encore du recours au gémissement dans l’acte amoureux ? Que peut-on savoir de la façon dont s’organise, en privé, différemment selon les temps, les cultures et les classes, la longue disqualification sociale des bruits du corps (roter, péter, siffler, etc.) ? C’est donc cet ordre ordinaire du sonore qui est au centre de ce numéro. Pour y parvenir, il met à l’œuvre une réflexion pluridisciplinaire sur les formes d’objectivation particulières que commande cet objet difficile à saisir que constituent par exemple la dispute des voisins ou les messe-basse des collègues de travail. Poser ainsi le problème du sonore revient à vouloir prendre au sérieux non seulement les raisons d’être du bruit en société, mais les mécanismes sociaux suivant lesquels le sonore devient à la fois une ressource « pratique » pour les acteurs et un mode de production « sensible » de la société où ils sont pris.