Cet ouvrage de géographie de l'environnement présente le mouvement de dépoldérisation qui s'est propagé en Europe occidentale à partir des années 1980, c'est-à-dire le retour délibéré à la mer de marais qui avaient été endigués et asséchés en vue d'une exploitation agricole. Si ce processus de retour à la mer peut paraître anecdotique en termes surfaciques, il pose en réalité des questions fondamentales et paradoxales, car il traduit une rupture spectaculaire dans l'histoire environnementale de l'Europe. Pourquoi, en effet, n'y poldérise-t-on plus et en est-on arrivé à dépoldériser, alors que, durant un millénaire, on a ressenti le besoin de créer 15 000 km2 de terres nouvelles pour des raisons non seulement économiques et démographiques mais aussi défensives ? Répondre à ces questions conduit à analyser les enjeux qui accompagnent la dépoldérisation, sur les plans environnemental, économique, paysager, socioculturel, défensif et juridique. On s'est ainsi interrogé sur l'intérêt écologique d'une submersion des polders, sur l'intérêt économique a priori paradoxal de rendre à la mer des terres longtemps exploitées, sur les avantages paysagers d'un mouvement anéantissant le travail réalisé par l'homme pendant un millénaire et, enfin, sur l'intérêt d'une politique de destruction des digues affaiblissant apparemment la protection des côtes dans une région de tempêtes et un contexte d'élévation eustatique. Pour saisir les moteurs et les entraves à ce processus, il a paru essentiel de se pencher également sur les acteurs capables de mettre en œuvre une politique aussi inattendue et parfois controversée, sur les réactions, les représentations et les traits culturels des sociétés qui ont été confrontées à cet abandon volontaire de terres à la nature, de même que sur les conflits que cela a entraînés.