L'approche sensible du paysage fait la part irréductible du corps, centrale dans l'art contemporain. Elle s'accorde aux avancées récentes des sciences cognitives où, selon « l'inscription corporelle de l'esprit » (Varela), tout paysage est « incarné ». En effet, le mot de paysage confond le sujet qui regarde et l'objet regardé, la vue et la représentation. Il annule la séparation, traditionnelle en Occident, entre le sujet et l'objet.
À l'inverse d'une approche trop intellectuelle et globalisante qui a montré ses limites, les divers points de vue ici réunis démontrent que l'expérience du paysage est la réconciliation de plusieurs paysages éloignés dans l'espace et le temps, leur point fugitif de croisement, que l'art seul peut saisir. Ce paysage-monde ou paysage « retrouvé » échapperait au local et au global. Il surgirait d'une rencontre créatrice, d'un dépaysement. Il unirait, comme aux premiers âges de l'humanité, les vivants et les morts. Les exilés et les émigrés y trouveraient une chance d'« habiter en poètes », faisant
« émerge r » un temps et un espace possibles. Les auteurs, philosophes, esthéticiens, sociologues, architectes, artistes-chercheurs, actualisent et analysent, à travers l'art, comment le paysage est « là où je ne me retrouve plus » (Maldiney) et comment nos paysages intimes s'inscrivent dans ce que de nos corps nous avons en partage. L'énigme de tout paysage résiderait-elle dans la place que notre corps n'y trouve pas ?
Cet ouvrage est le sixième de la série X, L'oeuvre en procès dirigée par Éliane Chiron, agrégée, docteur d'État, professeur à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, directrice du CRAV, Cellule de Recherche en Arts Visuels de l'IDEAT (UMR 8153 Paris 1-CNRS).