On connaît bien le commissaire de police du XXe siècle, devenu une figure familière grâce à la fiction, dans la littérature d'abord, au cinéma et à la télévision ensuite. On connaît beaucoup moins bien son devancier du XIXe siècle, mal vu par ses contemporains et négligé par les historiens. Il ne correspond pourtant que peu à l'image du froid bureaucrate à laquelle on l'a souvent réduit. Si, contrairement à l'inspecteur ou au « limier » de la Sûreté, il n'a alors guère sollicité l'imaginaire, ce fonctionnaire moderne a constitué à partir de la célèbre loi de février 1800 (28 pluviôse an VIII) un rouage essentiel de la construction de l'État. Au contact de citadins de plus en plus nombreux, il a été un agent décisif de l'acculturation à la norme et à l'autorité, gérant au jour le jour les transgressions ordinaires, contribuant à l'édification d'un ordre quotidien. Homme de l'entre-deux – entre pouvoir central et pouvoir local, entre État et société, élites sociales et petit peuple urbain, politisation et professionnalisation – , il résume et accompagne bien des contradictions du siècle.
Cet ouvrage collectif, dirigé par Dominique Kalifa (Paris 1) et Pierre Karila-Cohen (Rennes 2), est le premier livre entièrement consacré à ce personnage méconnu qu'il étudie en un long XIXe siècle, de la Révolution à la Grande Guerre. Aussi attentif aux origines sociales des commissaires qu'à leurs itinéraires, à leurs pratiques professionnelles ou à leurs conditions de vie, il offre aussi une ample sélection de documents, pour partie inédits, qui témoignent de l'activité quotidienne de ces policiers, appelés à devenir une des figures majeures de notre contemporain.