Ce livre ne s'intéresse, en aucune manière, à ce que Foucault a dit. Et son auteur n'essaie ni de déceler la vérité de l'œuvre, ni d'en reconstruire la systématicité secrète. Il aborde les ouvrages foucaldiens comme des objets fabriqués selon des règles, poursuivant des fins : il veut montrer ce que Foucault a fait de la philosophie, de l'histoire, de la science.
En partant du fil conducteur du rapport non exclusif entre vie et concept, rapport que l'on retrouve chez Canguilhem, il s'agit ainsi de revenir aux sources de la pratique foucaldienne de pensée. Quelle forme d'expérience traduit la naissance, l'émergence et la propagation d'un nouveau concept ? Quel est le rapport entre des expériences historiques de pensée et leur conceptualisation par la science, la philosophie, la littérature ? Pourquoi, au cours de ces opérations discursives, avons-nous besoin de vérité ?
En reconstruisant le geste de pensée foucaldien à travers l'exemple privilégié de l'histoire des statistiques, on tente moins de faire œuvre de commentaire que de dessiner les traits opératoires d'une machine de pensée qui pourrait nous être utile aujourd'hui, pour étudier le besoin de vérité lié aux pratiques contemporaines de gouvernement. Car la source de la fascination durable que l'œuvre foucaldienne continue d'exercer pourrait bien être précisément ceci : elle n'autorise aucune interprétation qui n'en soit pas une appropriation et une actualisation.