Depuis Saussure, nous savons tous que la langue est la plus importante de toutes les institutions d'une société, celle sans laquelle, précisément, il n'y aurait pas de société. Elle est pourtant trop peu étudiée par l'historien : si ses sources sont sacrées, que fait-il de la langue dans laquelle elles lui sont parvenues ? Sans doute lui prête-t-il la plus grande attention, s'il doit éditer un texte ou si celui-ci lui oppose, par sa difficulté ou par les problèmes d'authenticité qu'il soulève, une résistance : l'historien ne répugne pas à se faire philologue, dans la mesure de ses moyens, puisqu'il s'agit là d'une des composantes requi- ses de l'érudition académique ; de même, sa culture lui permet souvent de juger du style ou des qualités « littéraires » d'un texte. Mais il va plus rarement au-delà, alors que des approches pluridisciplinaires ouvrant la voie à des analyses linguistique, sociolinguistique ou logométrique lui apporteraient des informations historiques du plus haut intérêt. De Méroé au Burundi, des discours des présidents de la République française aux chartes royales éthiopiennes, des démonstratifs en moyen français au bilinguisme gréco-romain en passant par les glissements du « français du roi » au picard ou aux langues du midi, le présent volume, reflet partiel d'une fructueuse rencontre organisée par l'Ecole doctorale de Paris 1 en 2006, offre une dizaine d'exemples de ces approches, ainsi qu'une mise en perspective générale de la place qu'occupe la langue dans les préoccupations des historiens depuis une cinquantaine d'années. Autant qu'à la réflexion méthodologique, il incite à la mise en commun des savoirs et des compétences entre historiens et linguistes, pour que la langue soit prise en- fin par l'historien pour ce qu'elle est, l'un des éléments essentiels de ses sources.