S'il semble illusoire de prétendre à une histoire mondiale de la photographie, appréhender les pratiques et les usages de ce médium en dehors du continent européen apparaît d’une actualité certaine : c’est en décentrant ses origines et en s’intéressant aux multiples lieux où s’est matérialisé très tôt le « désir » de photographie que l’on peut en élargir la connaissance. En suivant les trajectoires et la propagation de la photographie hors de l’Europe au XIXe siècle, ce numéro de Photographica défriche et explore de nouvelles écritures de l’histoire des premiers temps de la pratique photographique, une histoire qui se veut donc décentrée et polyphonique.
Dans cet effort de décentrement, il ne s’agit pas simplement de mettre au centre ce qui était périphérique, mais de faire dialoguer le global et le local, le national et le transnational. Documenter l’écosystème de la photographie dans différentes régions, retracer le parcours des producteurs d’images, les réseaux, les commanditaires, les usagers, les réceptions locales : autant de pistes qui permettent d’améliorer notre compréhension des premières représentations photographiques du monde au XIXe siècle. Quelles images étaient attendues ? surprenantes ? Comment étaient-elles interprétées ? Quelle agentivité les sujets photographiés pouvaient-ils manifester, notamment en contexte colonial ? Quels fonds photographiques ont été conservés ou patrimonialisés ? La rareté des sources ou l’absence de collections de photographies dans certaines régions du monde nous forcent enfin à réfléchir aux effets d’asymétrie de ces patrimoines eux-mêmes, tant en termes de perspectives d’acquisition que de stratégies de décolonisation.