Les noms des savoirs sont souvent des boîtes noires que l'on manipule avec ingénuité. Pourtant, qu’ils forgent de nouveaux intitulés pour leurs pratiques savantes ou reprennent des dénominations existantes, les savants eux-mêmes y prêtent une grande attention. Étudier la façon dont on nomme et regroupe les savoirs permet de travailler sur leur émergence, les conditions de leur succès, leurs resémantisations invisibles ou les controverses qui les ont traversés. La dénomination et l’agrégation des savoirs sont indissociables de partitions, de découpages et de distinctions. À travers l’analyse des différentes épithètes feuilletant la « géographie » dans la France des XIXe-XXe siècles, on met par exemple au jour une histoire beaucoup moins unitaire que ne le voudraient les représentations autochtones. Souvent transnationaux, les cas étudiés témoignent des appropriations variées d’un même terme comme « enquête », « ethnopsychiatrie » ou le diptyque philologie/linguistique. Enfin, en s’arrêtant sur « behavioral sciences », « moral sciences », « Geisteswissenschaften » ou « sciences humaines » c’est l’objet même de la Revue d’histoire des sciences humaines qui se trouve interrogé.
DOSSIER : NOMMER LES SAVOIRS
Prendre les noms des savoirs au sérieux
Wolf Feuerhahn
L'Enquête, entre science de l’État et thérapie sociale. Genèse et transformations d’une catégorie de la recherche empirique en Allemagne (années 1880 - années 1930)
Martin Herrnstadt et Léa Renard
Philologie ou linguistique ? Réponses transcontinentales
Ku-Ming (Kevin) Chang
La géographie en ses épithètes et autres affichages.
Scènes nationales et internationales (XIXe siècle)
Marie-Claire Robic
Moral sciences, Geisteswissenschaften (1795-1900). Parcours transnationaux d’étiquetages savants
Wolf Feuerhahn
À quoi sert l’organisation des sciences ? L’émergence de la catégorie « sciences humaines » en français (1880-1950)
Serge Reubi
Calling the Social Sciences Names. The Behavioral Sciences at the University of Chicago, 1923–1955
Philippe Fontaine
Georges Devereux et l’ethnopsychiatrie : fonder sa science et assurer sa consécration
Alessandra Cerea
DOCUMENT
Gabriel Le Bras. L’essor actuel des sciences humaines
Vers un « nouvel Adam » ? L’enthousiasme savant de la Libération et les sciences humaines (1944-1948)
Thomas Hirsch
GÉOGRAPHIES ACADÉMIQUES
Un « modèle » pour la LPR ? Le système d’enseignement supérieur et la recherche en Allemagne
Guillaume Mouralis, Camille Noûs et Nikola Tietze
Frédéric II fait des châteaux de sable. Le roi-philosophe, l’utilité des sciences et l’autonomie de la recherche (années 1770 – années 1780)
Pierre-Yves Lacour
DÉBATS, CHANTIERS ET LIVRES
« Créer ensemble un nouveau champ d’études ». Entretien avec Stephan Moebius sur l’historiographie de la sociologie germanophone
D’un renouveau de l’historiographie de la sociologie germanophone : le Handbuch Geschichte der deutschsprachigen Soziologie
(Martin Strauss)
Aby Warburg au-delà du génie solitaire
(Béatrice Joyeux-Prunel)
Isabelle Gouarné (éd.), Les sciences sociales face à Vichy. Le colloque « Travail et Techniques » de 1941 (Francine Muel-Dreyfus)
Roland Krebs, Les germanistes français et l’Allemagne (1925-1949) (Jean-François Condette)
Marie Barral-Baron et Philippe Joutard (dir.), Lucien Febvre face à l’Histoire (Sarah Rey)