Ce dossier a pour objet différentes quêtes d'intensité qui se manifestent dans notre société. Sports à sensations fortes, recherche de renouvellement et d'intensification des expériences esthétiques ou festives, stratégies cathartiques diverses visant à purger une énergie physique ou affective conçue comme excessive ou perturbante, les comportements auxquels nous avons pensé dans ce projet manifestent un surplus d’énergie et jouent avec les limites du débordement. Apparentés à première vue aux phénomènes de dépense décrits par Bataille, ils marquent une recherche de déroutinisation traduisant le désir soutenu de susciter un état « astructurel » (Duvignaud, 1977) ou de vivre une expérience pour elle-même, c’est-à-dire pour ce qu’elle suscite comme don, voire perte de soi. Tristan Garcia (2016) a interrogé cette vie intense, issue du fantasme électrique qui trouve sa légitimité dans une recherche de puissance et une affirmation de sa présence au monde, supposée échapper au décompte. Cette forme de vie dans l’excès, particulièrement sujette aux récupérations marchandes, exprime tout aussi bien une quête quasi frénétique de réel que l’incapacité structurelle à en saisir l’épaisseur. On peut interroger sa portée critique.