Construire la géographie comme une écologie humaine, tel fut le projet de Max Sorre (1880-1962). Cette biographie inédite retrace la trajectoire de ce pionnier de la pensée écologique, tout à la fois géographe de terrain, théoricien et savant encyclopédiste. Par son œuvre, qui s'attache aux relations entre l’homme et son environnement, il s’est intéressé à des questions jusque là délaissées par les sciences sociales, comme les maladies, l’alimentation, le climat, les genres de vie, le rapport des sociétés aux végétaux et aux animaux, ou encore la mobilité.
L’œuvre de Sorre est dense, depuis sa thèse en 1913, Pyrénées méditerranéennes, à son essai de 1961 L’Homme sur la Terre, en passant par Les fondements de la géographie humaine (1943-1952). Élève de Paul Vidal de La Blache, formé à l’écologie végétale par Charles Flahault, il a traversé de multiples scènes savantes : à l’université de Lille, à la Sorbonne, au Centre universitaire méditerranéen, à la direction de l’Enseignement primaire, au sein des réseaux résistants, au Centre d’études sociologiques qu’il dirige dans les années 1950, il collabore avec des scientifiques de tous horizons, multipliant avec eux les échanges intellectuels.
Le portrait brossé dans ce livre, loin de faire l’hagiographie d’un classique, replace ainsi Max Sorre dans les pratiques, les discussions savantes et les controverses de son temps. Dévoilant une part importante et méconnue de la tradition écologique, dans la diversité de ses origines et de ses redéploiements, cette biographie dessine une histoire collective des sciences humaines aux prises avec l’environnement.
Préface. Maximilien Sorre et vingt mille savants français
Olivier Orain
Introduction
La singularité d'un géographe
Une histoire sociale des savoirs
« Compte rendu d'enquête »
Première partie — UNE SINGULARISATION SAVANTE EN GÉOGRAPHIE (1895-1943)
Chapitre 1. S’inscrire dans une communauté savante (1895-1913)
Du normalien primaire au docteur ès lettres reconnu
La faiblesse d’un capital scolaire initial
Les conditions d’une affiliation géographique
Une thèse singulière, une légitimation scientifique
Les formes d’une enquête géographique dans les Pyrénées
La « géographie biologique » comme projet
La promotion d’une géographie générale
Arpenter les Pyrénées
Élucider les rapports matériels à la nature
Les genres de vie : l’inscription dans une tradition vidalienne
Les genres de vie : au fondement d’une géographie comparative
Articuler « civilisation matérielle » et milieu « naturel »
Chapitre 2. Pratiquer le métier de géographe (1913-1931)
La possibilité d’une carrière universitaire
Une reconnaissance disciplinaire
La Grande Guerre, une prolongation de l’identité savante
Les conditions du marché universitaire au tournant des années 1920
Un tour de France universitaire
Revêtir les habits du géographe universitaire
Un portrait de Sorre en bon géographe
Écrire la Géographie universelle
L’ordre intellectuel et temporel d’une vie universitaire
Chapitre 3. Construire une écologie humaine en géographie (1917-1943)
Une ambition écologique singulière dans la discipline
Construire un savoir unifié sur l’homme
Les raisons d’une orientation écologique : la recherche d’incidences
Géographie médicale et circulations savantes : les voies d’une innovation
La géographie médicale comme écologie
Une géographie médicale spéculative
Des circulations et reconnaissances sélectives (années 1930-1950)
Investir de nouveaux objets et approches disciplinaires
Une approche anthropologique du climat
L’alimentation comme nouveau problème écologique
Une écologie humaine aux conceptualités ethnocentristes ?
Deuxième partie. UN GÉOGRAPHE PAR « SOMBRES TEMPS » (1931-1945)
Chapitre 4. S’investir dans le champ politique (1931-1939)
Entre science et politique : l’expérience rectorale (1931-1937)
Devenir recteur : les logiques d’une bifurcation
Une position centrale dans le champ savant
Les inscriptions politiques d’un recteur au cœur des années 1930
Max Sorre, instigateur d’une géographie scolaire renouvelée
Une réflexion pédagogique entre filiation vidalienne et renouveau
Max Sorre, rénovateur des études géographiques
En retrait de la vie scientifique : Max Sorre éducateur (1937-1939)
Réformer l’enseignement primaire
Administrer l’enseignement dans une période de crise politique
Chapitre 5. Les bouleversements d’une identité savante (1939-1945)
L’incidence de la guerre sur une trajectoire savante
Administrer l’enseignement primaire en période de guerre (1939-1940)
La révocation de 1940 et ses effets biographiques
L’incidence disciplinaire : un recentrement dans le champ géographique
L’économie morale d’un géographe : une expertise au service de la résistance
Une reconnaissance savante ambivalente ?
Les signes d’une reconnaissance académique
Les historiens, lecteurs paradoxaux de Sorre ?
Troisième partie. INCARNER LA GÉOGRAPHIE DANS LES SCIENCES DE L’HOMME (1944-1962)
Chapitre 6. La géographie dans l’après-guerre, entre affirmations et tensions identitaires (1944-1949)
Crispations disciplinaires et réorganisation du CNRS
Le moment réflexif des années 1947-1949
Défenses de la tradition disciplinaire et distanciations
Comment rénover la géographie ?
Chapitre 7. Rénover la géographie humaine (1945-1957)
Un projet unitaire : la géographie comme science humaine
Repenser et rénover la matrice écologique
Construire la géographie comme une « science sociale »
La géographie, une science de l’« espace » humain ?
Revendications et distinctionsd’une identité savante lettrée
Chapitre 8. L’écologie ou le marxisme, un temps de controverses (1944-1956)
Géographie « marxiste » versus géographie « bourgeoise »
L’écologie humaine de Sorre, cible des critiques
L’affaire Guglielmo, l’acmé des tensions (1953-1955)
Chapitre 9. Dialoguer avec les sciences humaines (1946-1962)
Un géographe en terre sociologique
L’arrimage d’un géographe à la sociologie
Administrer la recherche au Centre d’études sociologiques
Sorre et les sciences humaines
Une centralité plus importante dans les sciences humaines
Une configuration écologique ? Circulations savantes autour du « milieu »
« Espace », un vocable commun aux sciences humaines ?
Conclusion
Remerciements
Sources
Bibliographie
Index des noms
Table des figures