Communauté habile et ingénieuse, multitude licencieuse, naïve et bornée, foule dangereuse et subversive : aux yeux de ses commentateurs, le peuple de Paris semble soutenir toutes les contradictions. À la fois pluriel et singulier, il constitue une masse aux contours informes, une hydre aux milliers de têtes, aussi indomptable pour l'administrateur du XVIIIe siècle qu'insaisissable pour l'observateur du XXIe siècle qui, avec la prudente distance du recul historique, chercherait à en tracer le profil. Paris et ses peuples fait écho à l'ouvrage programmatique de Daniel Roche, qui annonçait en 1981 un important renouvellement de l’histoire socioculturelle sur la capitale. En recentrant l’analyse sur les gestes quotidiens et les maux ordinaires de ses classes laborieuses, l’auteur du Peuple de Paris inaugurait un chantier aux multiples avenues, invitant un foisonnement historiographique dont ce livre se fait en partie témoin. À travers dix-huit nouvelles perspectives, celui-ci propose de croiser les regards sur l’espace parisien pour appréhender la diversité de ses acteurs, l’enchevêtrement de ses réseaux de sociabilités, les discours antagonistes qui le représentent et l’encadrent. Continuellement modelée par les acteurs sociaux qui la sillonnent et se l’approprient, la cité fabrique réciproquement, façonnant les expériences citadines et les modes d’expression d’une culture populaire effervescente. Sur les terrains du travail, de la consommation, des régulations sociales, du voisinage, des circulations urbaines ou des mobilisations politiques, la relation entre Paris et ses peuples, toujours bouillante, fournit le cadre de ruptures et de continuités historiques qui traversent l’Ancien Régime et la Révolution.