Cet ouvrage propose une histoire environnementale comparée de la nation. Il démontre qu'au-delà des contextes, l’invention de la nature vise bien souvent à renforcer les contours matériels et idéels de la nation au nom de laquelle agissent les pouvoirs publics. Tandis que dans la France parsemée de lieux de mémoire, le parc des Cévennes sert à la pérennisation d’une nation paysanne, nostalgique et traditionnelle, au Canada, pour pallier un passé manquant de profondeur mais débordant de conflits, le parc Forillon donne à voir et à croire une nation vierge, atemporelle et apolitique. Quant à l’Éthiopie et son parc du Semēn, l’État s’approprie les représentations néo-malthusiennes et vaguement racistes des institutions internationales telles que l’Unesco et le WWF afin d’être reconnu sur la scène internationale et de s’imposer, alors, sur un territoire qu’il veut national.
Mobilisant les lois, les rapports d’activité et la documentation archivistique et touristique produits par les gestionnaires de ces territoires, de la fin des années 1960 au temps présent, cet ouvrage relate trois histoires de natures, et de nations. Mais il livre aussi une seule histoire : celle du parc comme enjeu de luttes. Car de l’Amérique du Nord à l’Afrique jusqu’à l’Europe, en tant qu’espace de vie quotidienne converti en espace de visites temporaires, le parc national légitime toujours l’exercice public d’une violence concrète et symbolique sur les populations locales et environnantes.
Liste des acronymes
Note sur la translittération de l'amharique
Avant-propos
Introduction. Faire du parc national un objet d'étude historique
Le parc national : espace naturel, espace conceptuel
Nature et culture
Territoire et identité
Paysage et nation
Le parc, instrument d'appropriation et d’appartenance à la nation
Trois États en quête de cohérence nationale
Des parcs dédiés à la nature, au territoire et à la nation
L’approche comparée : saisir des réalités, dégager des généralités
CHAPITRE 1. LA MATÉRIALISATION NATURELLE D’UNE CULTURE NATIONALE
Le façonnement de l’espace naturel
Une rationalisation du milieu
Une perpétuation des ressources
Une réhabilitation de la nature
Le façonnement de l’espace anthropique
Une sélection des éléments à éliminer
Une sélection des éléments à préserver
Le parc national, un territoire naturellement culturel
Le « caractère » des Cévennes ou l’invention d’une culture naturelle
Entre écologie et culture, l’incertitude paysagère de Forillon
Homme contre nature, un paysage par la contrainte dans le Semēn
CHAPITRE 2. LA TRANSMISSION PAYSAGÈRE D’UNE RÉFÉRENCE NATIONALE
La terre cévenole comme mémoire nationale
Faire vivre l’esprit des lieux
Faire voir la permanence paysagère
Faire croire au paysage nostalgique et national
Forillon région naturelle, et nationale
La re-creation comme mode de transmission du paysage
L’histoire humaine et révolue d’une nature intacte et atemporelle
De l’espace local à l’identité naturelle de la nation
Le Simien Mountains, symbole national d’un patrimoine mondial
Une publicisation du paysage en manque de public
Une inter-nationalisation de la nature en manque d’amour
CHAPITRE 3. NÉGOCIER LE TERRITOIRE DES UNS, OFFRIR UN PAYSAGE AUX AUTRES
Les hommes de la nature
La place de la nature au milieu des humains
La place de l’homme au milieu de la nature
La contradiction « parc national »
Les espaces locaux des publics nationaux
La consommation touristique d’un espace national
Le développement économique d’un territoire local
La négociation « parc national »
CHAPITRE 4. CONSTRUCTIONS DE LA NATURE ET PROTECTIONS DE LA NATION
Quand la nature devient patrimoine
L’invention du patrimoine national
L’invention du patrimoine naturel
Quand le patrimoine naturel devient métarécit
La nation dit la nature
La nature dit la nation
Quand le récit national doit être réécrit
Vers l’éthiopianisation d’un patrimoine inter-national
Vers la fin de la nation-mémoire française
Vers l’historicisation de la nation canadienne
CHAPITRE 5. DE LA VIOLENCE PAYSAGÈRE EN MILIEU NATUREL
Le Simien Mountains National Park, un territoire-patrimoine de violence
Un patrimoine né sous le signe de l’éco-racisme
Un territoire entre « Léviathan planétaire » et « poids de l’État »
Une difficile conciliation des échelles de pouvoir
Le parc canadien de Forillon, une vaine tentative
La violence de « l’opération Forillon »
Les aléas de la négociation écologique et culturelle
L’idéal national contre la territorialité locale
Le parc national des Cévennes, une nationalisation républicaine
Imposer le territoire des uns au territoire des autres
Concilier l’espace local et l’imaginaire national
Le parc national français, une exception d’abord historiographique
Conclusion. L’invention d’un « vivre-ensemble » naturellement national
Le parc, un moyen de vivre ensemble dans le temps et l’espace de la nation
Le parc, un instrument et un révélateur du renouveau national
La nature et la nation : un discours, une mémoire, une expérience
Sources
Bibliographie
Index des lieux
Index des noms
Table des figures